Sept jours que j’ai quitté la Grèce, et j’ai l’impression d’avoir traversé une faille temporelle. C'est un autre monde, mais pas un monde éloigné.
Beaucoup à assimiler, un festin de sensations servi d'un coup : les émotions, les nouveautés, les rencontres, la culture, le climat, la circulation, la nourriture... Alors l'écrire ici, c'est tout aussi complexe. Ça ne pourra jamais refléter le monde que je traverse, mais tant pis.
Rembobinons un peu.
Il est 20h au port d'Athènes. Je fais étape sur l'île de Chios, après une nuit blanche dans un ferry à moitié vide. Presque pas fermé l’œil. Trop d’excitation, pas assez de coussins. Au café du port de Chios, je m'y installe. Il est 5h du mat. J'attends le prochain ferry qui m'amènera à Çesme, en terre turque.
Je rencontre Eric, 70 ans en voyage à moto. Un flot de paroles ininterrompues par des histoires en tout genre. Au demeurant très sympa, mais avec 30min de sommeil, les histoires d'artisans dans sa salle de bain.. Bon.
Eric était avec un Allemand. Mais il se fera refouler à la douane, au quai de Chios pour une histoire de carte grise au nom de son père. On m'a prévenu, faut pas déconner avec la police turque. Et ça se voit.
Et pourtant, je passe la douane turque en claquette chaussette, peur de rien. Me voici à Çesme (ouest de la Turquie).
À peine débarqué (littéralement 50 mètres), et on m'invite déjà boire le çay. L'accueil ici n'est pas une formule de politesse, c'est une évidence.
Ce sont des travailleurs kurdes. Il n'aura pas fallu attendre bien longtemps pour entendre des critiques sur Erdoğan. Le thé est brûlant, le climat aussi.
J'ai pas de réponses toute faites quand on me demande "pourquoi la Turquie". Mais en vrai, je pense que c'est en partie lié au fait que je ne connais rien de ce pays. À quoi ça ressemble ? J'aime bien l'inconnu, là, j'étais servi. Même la monnaie, je la connaissais pas le 1er jour. 1 euro = 44 lyra, merci Google. On part de là. Nickel l'anticipation.
L'effervescence de la première journée est totale. Le soleil se montre hostile. 115 kilomètres pour aller à Izmir. 3ème ville de Turquie (+ de 4 millions d'habitants). En fin de journée et sans sommeil, fallait rester vif car le trafic routier, c'est un sacré délire.
Ce soir-là, je dormirai chez Mehmet (grâce à Warmshower), un professeur de marine. Encore une fois, l'hospitalité en bon et du forme. Frank et Danielle, 2 cyclistes hollandais qui mettent le cap direction la Nouvelle-Zélande étaient là. On partage nos tips, nos itinéraires. Le vélo relie vite. On a beaucoup rigolé. Mehmet nous parle aussi du tournant autocratique du gouvernement d'Erdoğan. Le fil devient barbelé quand on parle de ces sujets-là.
Au réveil, je reçois une notif séisme (magn 6.1), ok pas de doute, je suis bien en Turquie.
Sortir d'Izmir à vélo, c'est une épreuve. Le GPS indique prendre la 8ème sortie au rond-point, ça donne un peu la température. C'est pas vélo-friendly mais camion16tonne-friendly cette ville.
Ce jour-là, le soleil turc s'est armé de plomb, le thermomètre grimpe comme un chat sur un toit brûlant. Sûrement la journée la plus éreintante depuis le début du voyage.
Je m'enfonce dans les profondeurs de l'Anatolie.
2 enfants en scooter m'accompagnent sur quelques kilomètres. Les paysages défilent comme un diaporama.
Puis, 1ère fois que je suis à court d'eau sur plusieurs kilomètres. Avec cette chaleur, pas tiptop. On m'offrira le meilleur coca dans un petit village.
Le soir, c'est bivouac sous les oliviers et les étoiles.
Le lendemain, au bout de 10 km, je rencontrerai sur la route Ilyas. On partagera un çay au prochain village. Il ne parle pas un mot anglais, alors merci google trad. Il est agriculteur et a 2 enfants. Il était très heureux de partager ce moment. C'était réciproque. Je suis étranger, mais pas intrus.
Il n'y a que les hommes qui sont au bar pour boire le çay. Les femmes sont avec les femmes, et les hommes entre eux. Très particulier. Un contraste particulièrement marqué surtout dans les petits villages. J'ai parfois cette impression de rouler dans le passé. Certains villages ont presque un goût de moyen-âge. Alors quand je passe avec mon vélo, ils me prennent pour un alien. Normal.
Ce jour-là, je n'ai jamais eu aussi chaud dans une montée. Pas une once de vent, le bitume qui te cuit à feu doux.
L'ombre s'allonge, les tours de pédales qui accélèrent, dernier effort avant de se poser. Merde, j'ai perdu une claquette. Je m'arrête à une échoppe. J'achète une nouvelle paire, bois le çay avec eux. Ils m'offriront une paire de chaussures. Parfait pour Istanbul dans quelques jours.
Le lendemain, j'irai à Balıkesir. Premier vrai pitstop pour le vélo, il l'a bien mérité. Une sacrée soirée ensuite. Yimit, sa femme et leurs 2 jeunes enfants m'ouvrent leur maison. Fin d'après-midi, ils m'emmènent à un anniversaire. On est une bonne vingtaine, je sais pas pourquoi je suis là, je sais même plus comment je m'appelle. Repas fantastique suivi d'un foot. Bien belle soirée. On rentre, il est minuit. Mais Ymit me proposera d'aller voir d'autres amis. Boh c'est pas comme si j'allais faire 100km le lendemain (bah si).
Le jour qui suit, le temps est lourd, poussiéreux, humide. L'averse fera du bien, mais salira. À cause des chemins, mon vélo ressemble de nouveau à pas grand chose.
Eray m'accueillera à Mustafakemalpaşa. Il est vétérinaire. Il me fera découvrir toute sa ville, les restos, sa mosquée, les différents quartiers.
L'un des avantages d'être avec des locaux, c'est qu'ils me conseillent les plats/boissons traditionnels (Şalfam, Ayram, Kemal Pasha dessert, Iskender kebab..) c'est cool.
Direction Bursa (4ème ville de Turquie et première capitale de l'empire Ottoman), sous la bruine et un vilain vent. Une très belle ville.
ISTANBUL.
Punaise on y est (presque). D'abord, je ferai demi-tour pour la 1ere fois à cause d'une meute de chiens un peu trop agressifs. Sacré détour.
Quelques kilomètres sur l'autobahn, grosse descente, musique dans les oreilles et... je vois Istanbul au loin. C'était un moment vraiment épique pour le coup.
Hop, petit ferry à Yalova pour éviter de caner dans une journée entière d'agglo. C'est immense.
Et… Bienvenue à Istanbul.
La première partie du voyage est bouclé. La Terre n'est pas si grande finalement ;)
31 jours|3000 kilomètres|31 000m D+.
Merci de suivre l'aventure, le FirstRide 🫶 Le fil suit son court. Maintenant on va regarder un peu vers l'ouest.
Bravo Guillaume quel beau périple en Turquie, belles rencontres, un pays parfois moderne et souvent surprenant presque moyenâgeux dans les campagnes, merci pour tes récits et le partage de ton ressenti. Contenues de filer, le rodage est terminé 👍
eh là tu vas jamais revenir. ;-). Bravo encore