Le fil s'épaissit. Derrière moi, la Turquie. Le point le plus éloigné de la maison.
Je passe en Grèce en coup de vent, littéralement. 30 kilomètres.
1 journée de vélo|2 frontières|3 pays.
Et je file à la découverte d'un nouveau pays qui m'est complètement inconnu : la Bulgarie.
Bienvenue dans les BALKANS !
Tout de suite, c'est différent. À commencer par l'écriture. Du cyrillique. Ça ajoute un ptit zest de dépaysement. Les panneaux ont un certain style. L'environnement aussi. Je quitte la plaine turque pour la montagne bulgare. C'est plaisant ce changement de décor, mais physiquement va falloir être prêt. Et la météo ne compte pas m'aider. 35° au compteur. Pfiou.
Heureusement, comme en Turquie, il y a ces fontaines tous les 10 kilomètres ! Alors c'est paaaaarti.
Ici, les mosquées et les églises orthodoxes se côtoient, marqueur d'histoire. Témoins muets de siècles de conflits.
Petit à petit, je monte en altitude, et en température. En fin de journée, je redescends en altitude, en température aussi. Spot bivouac au bord d'une rivière, loin de tout, sauf des moustiques.
Je suis seul. Et je vais le rester. La Bulgarie, ce sera une diagonale en solitaire.
Déjà parce que le nombre d'habitants au km² dans ces montagnes est proche du néant, mais aussi la barrière de la langue se dresse comme un mur. L'anglais, ils s'en ballec. Alors y a bien eu quelques échanges avec certains d'entre eux un peu lunaire.
Et malgré tout, je ne ressens aucune solitude négative.
Deuxième jour en Bulgarie, ça y est j'y suis dans les vraies montagnes balkaniques.
Mais bon point : ces cabanes en bois qu’on croise un peu partout, toujours avec un point d’eau, sont parfaites pour faire une pause ou passer la nuit.
On m'avait prévenu que les routes en Bulgarie n'étaient pas top. En tout cas, pas ici. Je n'ai jamais eu des routes aussi quali depuis que je suis parti. L'asphalte sillonne et serpente entre les sapins norvégiens, comme un fil bien ajusté.
Nouvelle journée. Dans la gourde, un jus de banane pour avoir la pêche. Demain ça sera l'inverse.
Je passe Smolyan - la plus grande ville du coin - et m'attaque à un col. Avec, s'il vous plaît un supplément orage pour ajouter un peu de piquant à la journée. Mais journée pluvieuse journée heureuse. Après les jours caniculaires, je ne me plains pas. L'ambiance est comme on aime : la brume de la montagne, un passage dans la station de ski (plus de neige :( ), le tonnerre en basse continue, le vent qui se lève, la pluie qui s'abat.
À un moment, un peu trop même. Alors je m'abrite sous une cabane. Et là s'en vient une "discussion" complètement perchée avec un fermier bulgare. Il me parle en bulgare comme si je comprenais tout. Je lui montre google traduction, mais regarde mon téléphone comme si cet objet venait d'une autre planète, littéralement. Alors lui expliquer comment traduire, c'est mission impossible. Mais ça fait passer le temps.
Fin de journée, autre vallée, sèche celle-ci, parfait. Je m'installerai pour la nuit dans ces fameuses cabanes assez chouette au milieu des sapins.
Mon drone me révèle l’immensité du massif des Rhodopes, au loin :
Les ours et les loups présents dans la région ne se manifesteront pas. Dommage, ou pas..
Jour suivant, tout s'annonce superbe : un lever de soleil sur la cime des arbres digne d'un Myazaki, des descentes de rêves à travers les sapins et les pâturages, une météo parfaite. Pas loin d'être l'une des meilleures journées avec celle de la veille depuis le début du voyage.
MAIS, je passe du paradis à l'enfer. Du velours au gravier. Au bout de 85 km de pur kiff, l'asphalte laisse place à un chemin impraticable. 20 km et 500d+ et d- à pousser le vélo. L'Eurovélo en Y. Avec, en + le soleil qui décide de m'en mettre une. On va dire que ça forge.
Encore une nuit dans une cabane. Pas de réseau. Des gentils chiens pour me tenir compagnie. Fin de journée HS. Douche, comida, pipi, au lit. Bonne nuit.
Et je quitte ces magnifiques montagnes bulgares petit à petit. Un paragraphe du voyage seul au monde, qui me laissera un souvenir mémorable.
De retour dans la plaine, je me dirige vers la frontière de la Macédoine du Nord.
Ça fait des jours que je n'ai pas vu un touriste. Les Bulgares ont le visage dur, comme on l'imagine.
Malheureusement, mis à part ses paysages, je n'ai pas tant appris de choses sur ce pays. Mon itinéraire et le peu de rencontres n'aidant pas.
Les grains du temps dans le sablier s'écoulent plus doucement. Nous on a des montres, eux ils ont du temps (surtout dans les petits villages).
Assis sur leur chaise autour d'une table, les anciens contemplent, jouent aux cartes, discutent, n'attendent pas grand chose.
Alors je dois être, pour certains d'entre eux, l'attraction de la journée. Les regards interloqués à mon égard sont toujours assez particuliers à vivre. Parfois drôle, parfois un peu lourd.
Sasho, un Bulgare que je rencontre en ville est stupéfait de me voir traverser l'Europe à vélo. Mais lui-même me dira : "bulgarian people, not good people, rubbish people". Ma foi. J'en n'ai pas fait les frais.
En tout cas, une chose est sûr, ils aiment les bagnoles. Mercedes, BMW et Audi sont les queen du bitume. Un drôle de contraste à côté des calèches tiré par des ânes ou des chevaux.
450 km. 6 750 m D+. La Bulgarie défile, et laisse place à la suite :
Macédoine du Nord. Kosovo. Albanie.
Trois inconnues au tableau.
Pour suivre l'itinéraire jour par jour, ça se passe ici.
Merci d'avoir lu ces quelques lignes !
Magnifique tes photos. Ces immenses tapis de verdure, ces forêts de sapins ! Très beau !
Dommage que l’hospitalité des Bulgares ne soient pas à la hauteur des paysages.
Les images sont magnifiques. Garde un peu de monnaie Bulgare, ils passent à l'euro l'année prochaine ça sera collector !